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30 août 2009 7 30 /08 /août /2009 17:30

Il est quinze heures...

Nous voici, de nouveau, réunis pour commémorer ces douloureux évènements qui ont endeuillé la vallée.

En ce jour funeste, une cohorte tragique a ensanglanté ces riants vallons, si pleins de secrète espérance

D’un tourbillon de haine s’est répandue la mort.

La vallée assoupie sous la chaleur de cette fin d’été, les maisons alanguies dans la torpeur de midi se plaisent à rêver à cette liberté tant espérée, à cette liberté si proche… On dit qu’ils vont arriver, ceux qui viennent éclaircir l’horizon, ceux qui vont nous rendre les jours meilleurs. De partout arrivent les nouvelles, de partout courent les rumeurs, les cœurs sont légers, les voix se font plus claires, les esprits s’envolent …

Et pourtant… la terrible journée ne fait que commencer.

Indifférent à des ombres meurtries par la défaite, ivres de folie, qui traînent avec elles des envies de chair, des envies de sang, chacun refait le compte et savoure l’instant.

En ce bel été qui rayonne, fermez les yeux et entendez l’abeille qui bourdonne et s’enivre de nectar, la tourterelle qui caracoule sous la poutre, la libellule qui chuinte dans les joncs… L’eau vive et fraîche de la Saulx chante et danse, roulant son couplet sur les galets mordorés et léchant les herbes folles qui se rient de ses gouttes audacieuses… La brise effleure de son souffle léger les charmilles. Entendez babillements et bruissements dans le feuillage…

Chacun refait le compte et savoure l’instant…

Et soudain, l’atroce, l’indicible, la terrible machine de haine s’approche et se coule dans les rues, frappe à l’huis des demeures innocentes et alanguies…

Nul ne sait, nul ne peut imaginer, nul ne peut se douter des terribles heures qui vont suivre…

Ce n’est guère pour les hommes du village qu’une corvée de plus… Et pourtant, non loin de là, à Beurey, le matin même… à Trémont… à Couvonges… à Mognéville…

Certains s’enfuient, saisissent la chance…

Mais d’autres, pris au piège de cet étau de violence, sont regroupés, parqués, près de cette gare…

Et là, l’ordre de tirer, la vie de dizaines d’hommes fauchée sous le feu crépitant des balles… il est quinze heures… le temps s’est arrêté…

Aujourd’hui, il est quinze heures, et nous sommes là, fidèles au souvenir, pour toi, l’épouse, pour toi la fille, pour toi le fils, pour vous frères et sœurs des disparus…

La plaie béante du bourg incendié s’est refermée avec la volonté de tout reconstruire. Et même si le temps qui passe voile bien des ressentiments, le cœur de ceux qui sont restés saigne à jamais de l’irremplaçable absence, de l’incompréhension de cette tragique journée.

Aujourd’hui, il est quinze heures... le temps encore une fois s’est arrêté pour que réapparaisse aux yeux de tous, le souvenir de ces hommes à qui l’on a pris la vie, au nom de la simple barbarie, pour leur rendre un hommage sans faille.

Le temps encore une fois s’est arrêté pour que tous, petits et grands, puissent prendre conscience des efforts accomplis pour renaître à l’espoir, pour semer un avenir sur les cendres fumantes.

Le temps encore une fois s’est arrêté pour que tous, petits et grands, puissent prendre conscience de cette paix si durement, si chèrement acquise.

A nous d’entretenir cette flamme si fragile qui tremble au moindre souffle de colère, à nous d’enseigner à nos enfants comment la protéger de tous ceux qui voudraient bien l’éteindre.

Toi, l’enfant qui es là, souviens-toi de ce moment… quand tu passeras devant cette croix de poutres noircies, tu sauras… Savoure chaque instant de paix… cultive et chéris cette lumière que tous ceux avant toi ont peiné à rendre plus belle… Garde-toi des éclairs et des éclats acérés du fer et du feu…

Il est quinze heures… il y a soixante-cinq ans, des hommes sont morts…

En ce bel été qui rayonne, fermez les yeux et entendez l’abeille qui bourdonne et s’enivre de nectar, la tourterelle qui caracoule sous la poutre, la libellule qui chuinte dans les joncs… L’eau vive et fraîche de la Saulx chante et danse, roulant son couplet sur les galets mordorés et léchant les herbes folles qui se rient de ses gouttes audacieuses… La brise effleure de son souffle léger les charmilles. Entendez babillements et bruissements dans le feuillage…

Il est quinze heures… il y a soixante-cinq ans, des hommes sont morts…

Il est quinze heures… nous nous souvenons…

 

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  • : Le blog de Diana André
  • : Pendant de nombreuses années de mandats électifs, je suis persuadée que c'est en partie par l'action politique que nous pourrons, que nous devons, "inventer demain". Désormais présidente de Renaissance Meuse et déléguée départementale de Territoires de Progrès, je m'efforce de partager les actions gouvernementales, de les expliquer et de relayer les besoins de notre territoire et de ses citoyens.
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