Place Reggio, Bar le Duc,
le 19 février 2019
Nous sommes ici rassemblés, comme dans toute la France, pour exprimer non seulement notre indignation, mais aussi notre écœurement, à la suite de recrudescence d’actes ignobles que nous devons tous condamner avec la plus grande force. Pour dire "ça suffit!"
Il n’est pas un jour où des actes délictueux ne soient commis, des actes qui révulsent et choquent.
Et pourtant, on aurait pu croire que nous ne pourrions plus revivre des actes semblables à ceux des années 30, ceux qui rappellent ces heures sombres où se préparait la plus odieuse des politiques raciales. N’avons-nous pas suffisamment transmis cette histoire? N’avons-nous pas suffisamment rappelé comment ont été préparées les consciences citoyennes pour l’acceptabilité de ce que furent la déportation, les ghettos, les camps, l’extermination programmée de millions de personnes?
Il est des actes emblématiques, qui rappellent à chaque fois combien notre vigilance doit être sans cesse en éveil.
Devons-nous rappeler, ces dernières années, le calvaire enduré par Ilan Halimi en 2006, dont la mémoire a été récemment salie, sur les lieux-mêmes qui lui étaient dédiés, avec le saccage des arbres plantés en son souvenir, devons-nous rappeler l’odieux massacre de l’école Ozar Hatorah à Toulouse en 2012, devons-nous rappeler l’attaque sauvage de l’Hyper Cacher à Paris en 2015, devons-nous rappeler l’effroyable assassinat de Mireille Knoll, rescapée de la Shoah, en 2018… Et pour tous ces actes médiatisés, combien restent sous le boisseau du secret gardé, de l'indifférence coupable?
Des marches ont été organisées pour dénoncer encore et encore…
Et pourtant, ces derniers jours, des actes inqualifiables ont été commis qui, s’ils n’ont pas entraîné la mort, sont symptomatiques de ces dérives antisémites qui empoisonnent notre communauté nationale.
Comment peut-on encore de nos jours voir taguées des tombes juives, comme à Quatzenheim hier, comment peut-on voir inscrit ce mot Juden sur une vitrine, inscription qui rappelle les jours les plus noirs de notre histoire, comment peut-on voir défiguré de croix gammées le visage de Simone Weil, rescapée elle aussi des camps de la mort et qui y a vu périr une grande partie de sa famille, comment peut-on voir agressée verbalement une personne simplement parce qu’elle est juive… comment peut-on accepter ces slogans nauséeux, brandis à tout va, qui dégradent tout individu, pointant ses origines, sa couleur de peau, sa position sociale, et même son parcours professionnel…
Et le bouc émissaire est facile à trouver, celui qui a toujours concentré sur sa religion les haines et les ressentiments depuis des siècles, les accusations des maux les plus divers... dès qu'on cherche à tourner sa colère vers quelque chose, cela tombe bien... le juif est toujours là, en réserve…
Tout cela est bien visible, tout cela se fait aux yeux de chacun de nous! Que dire des actes sournois qui sont coutumiers dans le quotidien ordinaire, les allusions, les insultes, les injures, les sous-entendus, tout cela se fait de plus en plus au grand jour…. On ose de plus en plus, comme si on s’enivrait de faire du mal, gratuitement… Comment pouvons-nous accepter tout cela sans rien dire ? A trop banaliser tout acte de racisme, envers qui que ce soit, à tolérer les messages transpirant la haine ou les images dégradantes ciblant certains de nos semblables, à ne pas condamner tous ceux qui les partagent, goguenards et satisfaits, c'est silencieusement, sans relever, sans dénoncer, par lâcheté ou par indifférence, que l'on tue la tolérance, celle qui permet de vivre ensemble dans le respect de chacun. Rien ne justifie ces dérives indignes.
A ceux qui nous disent que se rassembler ne sert à rien, à ceux-ci, nous répondons qu’il est nécessaire, qu’il est indispensable de partager, en communion, cette douleur avec ceux qui en sont victimes, qu’il est indispensable de dire non, ensemble, qu’il est indispensable de créer cette union nationale sans laquelle nous ne pouvons rien, cette union, qui au-delà de nos différences, nous réunit autour de valeurs qui sont celles de la République, oui, il est nécessaire de témoigner de notre attachement à ces valeurs fondamentales qui sont le ciment de notre société.
Au-delà de ces rassemblements qui soudent un instant en un seul et même but une population, l’Éducation et la Culture sont des trésors à privilégier, les seuls à même, jour après jour, à participer à l'apprentissage de notre histoire, au respect dû à l'autre, à rendre chacun capable de savoir non seulement séparer le bon grain de l'ivraie, mais aussi de respecter la paille et le grain, aussi nobles l'un que l'autre. L’Éducation et la Culture, des trésors à partager inlassablement auprès de tous, pour un avenir commun autour des symboles de notre République.
Plus que jamais, pour contrer et terrasser cette sale bête immonde, car le ventre est encore fécond qui distille et insinue dans les esprits cette peste brune, soyons vigilants sans cesse… ne cédons rien… jamais...
L'antisémitisme, le racisme, sous quelque forme que ce soit, ça suffit!
Diana André