ANATOMANIE
Il a bien fallu que je me documente et que je découvre l’origine de ce mot bizarre… et j’ai trouvé, bien entendu dans le site éponyme :
"Anatomanie, n.f. – apparu en 2006 ; du bas latin, anatomania, de l’indien annato et du grec mania.
1- Habitude, goût bizarre pour la représentation de formes corporelles dans les œuvres d’art et l’appropriation excessive ou déraisonnable de matières organiques. Elles ont l’anatomanie du cheveu, des tissus, des pastels et graphites, de la cire d’abeille.
2- État de surexcitation caractérisé par la fuite des idées et une exaltation de l’imagination visant à révéler une dimension poétique de l’anatomie humaine.
3- Avoir ses petites anatomanies: posséder une ou plusieurs œuvres réalisées par des anatomaniaques."
Et quand on pénètre dans ce sanctuaire, on découvre l’illustration de ce mot un peu fabuleux, évoquant l’hybridation conduisant à cette manie de vouloir utiliser le corps pour en faire le jouet de son imagination menée avec la déraison commune aux manies…
Du cheveu à la cire, un court chemin nous emmène dans les dédales des secrets du corps. Et si au hasard de cet itinéraire, nous croisons tissus et mine de graphite, nous avons fait le tour de cette enveloppe charnelle qui prend un malin plaisir à nous quitter bien souvent sans que nous en exprimions le désir. Et pour mieux la retenir, il convient d’en extraire des lambeaux de souvenirs, des lambeaux de désirs, des lambeaux de formes, des lambeaux d’être.
Voyons un peu, si couper les cheveux en quatre ou arriver comme un cheveu sur la soupe ressortent de la maniaquerie irritante ou de l’incongruité d’évènements connexes, que dire alors de ces circonstances qui ne tiennent qu’à un cheveu ou de la chance qui se saisit par les cheveux et conditionne une existence… Il est à profusion de ces expressions tirées par les cheveux…
Ici, les cheveux, perdant celui de déchets, tel qu’on peut les retrouver au fond de son lavabo, reprennent un statut de mémoire, individuelle ou collective. La mémoire retrouvée de la momie, datée au carbone 14, la mémoire des poisons absorbés… Ici la mémoire habitée prend des allures de réseaux fragiles et de foisonnements aériens qui se font art du corps…
Corps et mémoire, mémoire et corps…
La mémoire toujours, la mémoire qui hante les fragments de tissus, habités encore des souvenir des aïeux, ces soies et ces batistes éternelles qui deviennent chairs, revivant pour un temps dans une enveloppe de boutis, de broderies surannées… Le corps apparaissant dans sa blancheur de coutures et de sutures semble porter l’âme, renaît, qu’il soit viscères de soie ou membres de linon, et fixe en lui la pérennité du devenir physique.
Corps et mémoire, mémoire et corps…
Mémoire encore quand, sous le crayon graphite, apparaissent les émotions et les soupirs des réalités des corps. Plaisirs de la chair et douleurs vécues transpirent et pourtant rayonnent, les gestes illuminent et font vivre le dessin. On voit l’envol du crayon qui pose à les figer les postures de ces corps qui ont vécu, trop ou mal, encore vierges de toute
pudeur ou déjà réduits à s’acheminer vers le souvenir.
Corps et mémoire, mémoire et corps…
Mémoire enfin, quand nous glissons les yeux vers la cire, qui tire de sa texture et de la chaleur des doigts de l’artiste une dimension toujours renouvelée. De tout temps la cire a voulu retenir le temps et geler les corps… Masque de cire, cachant l’expression de l’acteur, statue de cire fixant pour un temps la célébrité, poupée de cire, sourire fixe et si fragile… Mains entrelacées ou bouches béantes, les messages sont portés, dans un muet appel, laissant planer le souvenir de ce qui pourrait avoir été.
Corps et mémoire, mémoire et corps…
Mémoires des corps, corps de mémoires…
A nous d’imaginer, d’interpréter librement ce que nous inspirent les cheveux de Josiane Guitard-Leroux, les tissus de Karine Jollet, les dessins de Diana Quinby ou les cires de Véronique Roca.
C'est une exposition de l'association Expressions, à découvrir jusqu'au 29 novembre 2009, à l'Espace Saint Louis, 3 rue François de Guise à Bar le Duc.
Une petite balade dans l'exposition...