Lors de l'exposition à la salle Couchot, une charmante vieille dame se plaisait à converser d'une manière enjouée avec les résidentes assises devant les grilles d'exposition. Droite et solide malgré le déambulateur qui l'aidait à se déplacer, elle irradiait de joie de vivre. Devisant sur ses douleurs et plaisantant sur ses jambes "rouillées", elle découvrait en particulier les amoureux de Peynet, pour lesquels elle avait un penchant particulier. Possédant autrefois un recueil de ses dessins, elle regrettait de ne pouvoir le mettre à disposition de Francine Audart, l'ayant confié à sa propre fille il y a quelques années... elle avait déjà conservé tant de souvenirs dans sa chambre... comment donc ses enfants allaient-ils faire après sa disparition?
Alerte et pleine d'entrain, Marguerite, puisque c'est ainsi qu'elle se prénomme, parlait, parlait... Curieuse, je me suis enquise de l'identité de cette "drôle de dame"! Et bien, 99 printemps, 100 en 2012... quelle santé et surtout quelle pêche! Et surtout un évènement qui a marqué son siècle de vie... un évènement qui fait partie de l'Histoire de France... elle a assisté, à l'âge de 8 ans, avec son père à la cérémonie du 10 novembre 1920 pendant laquelle un poilu a été désigné celui qui devait devenir le "soldat inconnu".
Alors après mon départ, "épatée" par cette rencontre, j'ai recherché des renseignements plus précis.
Je reprends ici ses paroles lors de son entretien avec l'Est Républicain, paru le 10/11/2010: "C’était à la citadelle souterraine de Verdun, j’y suis retournée, il y a quelques années, j’ai bien reconnu les lieux". Mais aussi le froid, celui qu’il faisait autant dehors que dedans en ce jour historique de novembre 1920. "Je vois encore les huit cercueils, les drapeaux qui étaient posés dessus. Il y avait André Maginot, le ministre des pensions bien sûr, mais je me souviens surtout de l’évêque, Monseigneur Ginisty et de son accent chantant, le fondateur de l’ossuaire de Douaumont et celui-là même qui m’a baptisée". Parlant d'Auguste Thin qui a désigné d'un bouquet de fleurs le cercueil... "Je le revois encore, il a marché lentement, hésité puis déposé son bouquet sur le sixième cercueil, même si je n’avais pas conscience de la portée du moment. Je n’ai jamais oublié cette cérémonie, elle m’a marquée. J’étais contente d’être là..."
Le 11 novembre 2010, Marguerite a assisté à la cérémonie au cimetière de Verdun où sont inhumés les sept autres soldats inconnus, et lors de laquelle huit de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, dont Léa, 8 ans (même âge que la Marguerite de 1920, l'histoire a de ses coincidences... ), poser des bouquets sur les sept tombes.
Voilà une jolie rencontre faite au hasard... longue vie encore à Marguerite qui, l'esprit clair et la mémoire intacte, se plaît à poursuivre son chemin d'une façon si positive!