Œuvres de la collection du FRAC Champagne-Ardenne...
"Les différentes oeuvres présentes dans cette exposition explorent les points de convergence entre les différentes disciplines artistiques, et plus particulièrement celles liant l'art et le théâtre, démontrant que l'art n'a jamais cessé de tenter de conquérir la scène. Par l'appropriation de l'espace scénique, les artistes plasticiens tendent à s'affranchir du cadre et du socle pour envahir l'espace vital et quotidien, leur permettant ainsi une proximité sans précédent avec leur environnement social et leurs spectacteur..."
Bon, une fois qu'on a lu ça, on ne peut qu'avoir une envie, c'est de prendre le chemin qui nous conduit vers la salle d'exposition près de l'Office de Tourisme de Bar le Duc. Car dans la vie, il faut vivre des expériences nouvelles, s'informer sur tout ce qu'on n'a pas l'habitude de côtoyer.
Alors, au diable les charentaises au coin du feu! On y court! Je vous narre donc en toute discrétion ce que j'ai vu...
Arrivée à l'entrée de la salle, si je me frotte les yeux, c'est pour mieux y voir. La grande pièce est vide... Je m'avance, perplexe. Je cherche ce qui est exposé! A gauche, adossé au mur, un bâton. Mais pas n'imorte quel bâton, c'est celui de Jimmie Durham. Je m'approche, avide d'en savoir plus. C'est bien le "Bâton pour marquer le centre du monde à Reims!" J'en reste saisie d'admiration! Un bâton de bois qui se prolonge par une corde, qui sert d'attache à un petit miroir...
Un quart de tour à droite, et là, devant mes yeux éblouis, toujours de ce bon vieux Jimmie, une photo, noir et blanc... "La lapidation de Saint Frigo", tout une symbolique! Un brave gars qui s'escrime à lancer des pavés sur un pauvre diable émaillé qui ne lui a sûrement pas fait grand chose, et peut-être même pas ni chaud ni froid...
Un peu plus loin, encore sous le choc de la douleur évidente de cette victime innocente qui n'en peut mais, je reste scotchée... un cadre vide, suspendu entre deux mâts de bois. Là c'est Robert Filliou qui s'est penché sur les "délimitations" et a intitulé sa création "Le drapeau est conçu pour enjember les frontières nationales".
Encore estomaquée par tant d'inventivité et d'esprit créatif, je poursuis ma découverte... Cette fois, un téléviseur, presque à ras du sol, nous invite à visionner des spectacles, euh, comment dire...de l'art en scène, quoi...
Puis, un quart de tour à droite, à hauteur d'oeil, deux masques de cuir, signés Lili Reynaud Dewar et intitulés "Les invisibles". Quel génie!
Et puis, un peu plus loin, qui nous prépare à la sortie, une série de petits tableaux de John Bock, petites saynettes, dessinées (très, comment dirais-je, naïf enfantin) , avec des morceaux de n'importe quoi collés, le tout inspiré de l'histoire très morale de "Der Struwwelpeter"... Ach! Dueutsche Qualität!
Epuisée par tant de découvertes, ébahie par tant d'ingéniosité, je passe comme un zombie devant le second téléviseur (car deux ne sont pas de trop si on veut satisfaire la foule de visiteurs qui se presse, avide de culture!) qui me propose encore et encore des créations vivantes époustouflantes.
Et puis, comme j'ai soudain une conscience aiguë de mon ignorance crasse, je saisis d'une main tremblante le dossier de presse laissé là, négligemment à la portée des visiteurs néophytes, car il faut bien les instruire, non?
Revenue à la lumière, descendue de mon nuage, je franchis la porte et titube vers le parvis de pierre blonde, ponctué ça et là de monticules de neige. J'aspire alors une grande goulée d'air frais...
Et la suite de l'histoire me direz-vous? Je vous en livre quelques bribes relevées dans le précieux sésame, celui qui donne la clé, celui qui ouvre les portes , celui qui montre le chemin.
Quelques morceaux choisis:
"Usant à outrance de l'artifice et de la mise en scène, elle occupe, sans aucun cynisme ni nostalgie, d'anciens espaces de subjectivités avec de nouvelles significations, et invente ce qui peut être appelé une politique performative de la multitude."
Ou bien encore:
"Les propres « limites » de Robert Filliou quant à la manière de présenter son oeuvre sont une liste ouverte d'idées suggérant des façons inventives d'accrocher, de planter, d'appuyer, de suspendre ou de fixer par quelque moyen que ce soit son drapeau à double mât et cadre vide soit une invitation supplémentaire, pour le commissaire comme pour le visiteur, à interroger les frontières réelles (comme les murs) et les frontières fongibles et imaginaires (comme les portes) dans la structure même de nos environnements."
Et hop, une petite dernière pour la route:
"Un texte de l'artiste accompagne l'œuvre, véritable manifeste pour une conception nomade du monde, chaque lieu pouvant à un moment en devenir le centre. Le miroir nous invite également à repenser notre propre présence à un territoire donné et notre façon de l'occuper et de l'habiter, physiquement ou mentalement, mais aussi de le percevoir, sous des angles sans cesse renouvelés."
Mais, quand c'est expliqué, on comprend tout! Et ceux qui diriont que c'est "pétage de neurone", y mentiriont! C'est quand même bien l'art contemporain! Et même qu'y en a qui disent (enfin, ça n'engage qu'eux!) que ça vaut très très cher... Mais l'élévation des âmes, ça n'a pas de prix... Merci le FRAC... et de Champagne-Ardenne, siou plaît!