Olga, petite fille de Lorraine
Dans les tout derniers frimas d'un si bel automne,
Lachalade, en la verte forêt d'Argonne,
En l'an huit de ce nouveau siècle, heure bénie,
Tu ouvres les yeux et tu souris à la vie.
Les années glissent, la vie est dure parfois,
Insouciante petite fille de Lorraine,
Toute à tes jeux, tes rires d'enfants et tes peines
L'entends-tu qui gronde au loin, ce monde aux abois ?
Voilà que sur ce bonheur la folie s'abat,
C'est le règne de la mitraille, du sang, du feu,
Qui dans un tourbillon détruit tout ici-bas,
C'est la fuite, implacable, vers d'autres cieux.
A La Vieille Loye, dans ce Jura accueillant,
Avec les tiens, tu trouves un nouveau devenir,
Et passent les heures, et les jours et le temps,
Sur le chemin de l'école, les rêves, l'avenir.
Soudain, les cloches sonnent à toute volée,
Ton petit frère est là sur qui tu veilles alors,
C'est la fin des combats, long cortège de mort.
Soignant ses blessures, la France s'ouvre à la paix.
Et pour ta famille, c'est l'heure de nouveaux projets,
C'est à Robert Espagne, pour un nouveau foyer,
Le père travaille au bois, fort et rude à l'ouvrage,
Et il y a à faire, pour le maire du village.
Sur la route de Trois-Fontaines, la petite maison,
Te voit grandir, éclore à ce monde nouveau,
Jolie cousette, entre aiguilles, fils et ciseaux,
Et s'ouvre devant toi, un nouvel horizon.
Un travailleur de la terre te fait les yeux doux,
Tu chavires et sonne alors le jour radieux,
Pour toi et lui que tu as choisi pour époux
Ce sont des années bonheur, partagées à deux.
Jean, Claude, Pierre, Nicole la petite dernière,
La ferme résonne alors de leurs cris d'enfants...
Et puis, un jour, l'exode, de nouveau la guerre,
Le retour dans cette terre de France en suspens.
Et la vie reprend, il faut tenir, mais on tient,
Les travaux des champs et les bêtes à soigner,
On attend, on attend qu'enfin vienne la paix,
On est sûr que c'est pour bientôt, c'est pour demain.
Mais un jour tout s'arrête, survient la tragédie,
Un jour si maudit que nul ici n'oublie,
Qui en un instant balaie ces petits bonheurs,
Et prend André, fauché par l'indicible horreur.
Courageuse Olga, de la vie tu prends les rênes,
Il faut bien continuer et tout reconstruire,
De ce gluant malheur il faut bien se sortir,
Les enfants sont là, c'est la lumière, c'est l'avenir.
Et des ruines de cendres et des pierres fumantes,
Les dures tâches, au fil des saisons de la terre,
Pour toi, la courageuse Olga, si droite et fière,
Rythment les rudes années d'une mère aimante.
Et renaît la ferme, et sonnent les riches heures,
Les enfants d'André suivent leur propre chemin,
Et le temps est venu de s'installer ailleurs,
De vivre pour soi, des moments paisibles enfin.
Mais, Olga, on dit que le destin ne lâche pas,
Et tu vois, déchirée, partir pour d'autres mondes,
Deux de ceux que tu as tant chéris ici-bas,
Mais la vie, la vie est là, qui poursuit sa ronde.
Une grande famille, petites-filles, petits-fils,
Puis les plus jeunes, la relève, enfants d'aujourd'hui,
Les voir grandir estompe les souvenirs qui glissent,
Plus fort est ce cadeau merveilleux de la vie.
Entre jardin et amis du club des anciens,
Voyages, en Israël, à Rome, Lourdes ou Lisieux,
Pour toi Olga, le temps s'égrène, paisible, serein,
Chaque minute qui passe est un don de Dieu.
Olga,
Tu as quitté le village, mais toujours choyée,
Pour de nouvelles rives, dans un autre foyer,
Qui te rapproche des lignes sombres de l'Argonne,
Où tu souris à la vie un beau jour d'automne.
Diana ANDRE
Robert Espagne
22 novembre 2008