La ruralité… parlons-en !
Je vais revenir sur le sujet "collèges" afin d'évoquer la ruralité, ce concept si souvent galvaudé et mis en avant pour toutes les justifications d'émoi et de déchirements.
Le sujet « collèges » doit nous interpeler en tant que citoyens, quand sont ainsi décidées des fermetures par des élus qui se disent engagés pour la protection de cette ruralité qui nous est chère. Et là, le mot « chère » revêt ici l’autre sens, celui qui cache en réalité celui de coûteux, et même ruineux. Car, n’en doutons pas un instant, c’est bien cette dimension qui a procédé à l’adoption de ce plan qui permet simplement de se débarrasser de trois collèges.
Alors la ruralité, qu’est-ce que c’est ? Chacun pourra y apporter des définitions variées, et certains pourront la qualifier de coup du sort, de fatalité désolante…
Et si, au contraire, on utilisait à bon escient cette spécificité de nos territoires meusiens, comme celle de tant d’autres en France ?
On ferme à tout va des services publics… j’évoque là, par exemple, des trésoreries, qui autrefois étaient régulièrement fréquentées par les citoyens, puisque beaucoup alors venaient y payer leurs impôts. Qui désormais pousse la porte de la « trésorerie » plus d’une fois dans l’année ?
On s’offusque de la disparition du « bureau » de poste. Oui, la structure n’est plus mais le service est toujours présent, ou dans les mairies, ou dans des maisons de service public, avec certes des horaires plus resserrés, mais l’ouverture au citoyen est toujours proposée. Nos modes de fonctionnement ont changé, il est normal que se réorganisent les modalités d’accueil. Là, les économies sur l’argent public sont, à mon avis, pensées et réfléchies.
Par contre, là où l’on peut s’interroger, c’est quand on prend des décisions engendrant, à terme, des zones de déserts éducatifs. C’est alors que le mot ruralité prend tout son sens.
Et si, alors la ruralité n’était pas une chance?
Pourquoi, a-t-on saboté sans réflexion intelligente ce pan entier de la vie citoyenne dans trois secteurs ?
Et pourtant, une ruralité positive, c’est ce que pourraient en faire les habitants , si les élus, les services de l’Etat, les collectivités en avaient envie.
La ruralité positive, c’est avoir une vision transverse de tous les atouts que peuvent offrir les territoires ruraux, cette richesse unique, celle qui se déploie au sein des petits bourgs et des villages, celle qui fait la part belle à la convivialité, à l’échange, au partage, ces notions que l’on ne retrouve plus en ville puisque les besoins assouvis ont asséché les rapports humains.
Pourquoi n’a-t-on pas, avant ces décisions unilatérales des élus départementaux, accompagnées avec une bienveillance des services de l’Etat, fait l’inventaire des opportunités sur les territoires concernés ? Car en dehors de l’aspect bâtimentaire, il y a cette richesse humaine, qui fait tant défaut aujourd’hui, et qui aurait pu être mise à contribution pour porter de vrais projets de territoire.
Des associations, des structures culturelles, des compagnies théâtrales, des bibliothèques, des musées, des lieux d’exposition, des EHPAD, des foyers d’accueil, des écoles primaires, des crèches, des lieux de vie, des entreprises… tout cela existe à la campagne, et sur les trois sites visés par le Conseil Départemental.
Quoi de plus naturel alors que de travailler ensemble à un vrai projet de territoire, rassemblant tous les acteurs de celui-ci, au profit de tous les concitoyens, du plus jeune au plus âgé. Avec le concours des services de l’Etat, Préfecture, DDCSPP, DSDEN… le vrai projet est global et intègre parfaitement les collèges et, in fine, les collégiens. Et ceux qui prennent pour prétexte le manque d’ouverture dont souffrirait le cursus des élèves reconnaîtraient que l’ouverture au monde, c’est aussi celle qui permet de se confronter à l’autre, dans toutes ses dimensions, humaine avant tout.
Faire d’un « petit » collège un collège d’excellence, c’est emprunter des chemins différents, ceux qui vont à la rencontre de la vraie vie, celle qui s’épanouit au travers d’expériences multiples, auprès d’un nombre incroyable d’acteurs. C’est élaborer un projet différent, enrichissant, à la découverte de l’autre, sans ces projets formatés que peuvent proposer les systèmes rigides officiels. Et n’en doutons pas, ces quatre années de collège, ouvertes aux mondes citoyens, seront aussi gratifiantes, sinon plus, que quatre années au sein d’un collège de ville.
Le souvenir de ces expériences sera peut-être aussi l’occasion de faire de ces petits Meusiens des ambassadeurs de leur territoire. Ce qui est valable pour les collèges l’est tout autant dans d’autres domaines.
La ruralité, c’est ça aussi, des projets généreux, des expérimentations, des partenariats nouveaux à inventer, des murs à faire tomber, au profit d’épanouissements incontestables. Ces projets de territoire sont aussi une opportunité pour inciter à venir s’y installer… Mais pour tout cela, il est nécessaire que se décrispent les mentalités, que les élus ne regardent pas que le montant de leurs dotations, que soient hiérarchisées les priorités de réduction des services publics.
A ceux qui disent que le citoyen a peur du changement, en réalité, ce sont les élus départementaux qui ont ici fait preuve d’un manque de modernité, qui n’ont désiré que suivre une logique traditionnelle de fermeture d’établissement au lieu de réfléchir vraiment à un changement de paradigme pour une société rurale en mutation. Les habitants qui y trouvent une qualité de vie sont ouverts à toute mesure qui permet que chacun puisse encore longtemps s’y sentir bien.
La majorité départementale n’a pas fait avancer le débat, elle l’a réduit à une lâcheté ordinaire, sans imagination, sans inventivité… ce n’est pas son souci…
Certains rétorqueront que le Département n’a pas les moyens financiers suffisants… Laissez-moi rire… On subventionne à tout va les terrains de sports (par exemple deux terrains de foot synthétiques distants de trois km, des terrains de tennis qui intéresseront un minimum de citoyens…), des salles des fêtes…
On fait des choix politiques qui privilégient non pas des projets qui mettent en priorité les rapports humains, mais ceux qui posent une structure ici ou là, au gré des demandes des collectivités. Qui se soucie qu’une salle de spectacle ou un stade va ensuite accueillir un nombre restreint de nos concitoyens ? Qui se soucie que notre société ne sortira pas grandie des murs qu’on élève, des trottoirs que l’on déroule, des lieux d’accueil que l’on codifie à outrance, ou des routes que l’on bitume ? Financer des projets de développement associant le maximum de partenaires, au service du citoyen, c’est faire le pari d’une ruralité heureuse !
Et puis, l’argent… il existe bel et bien avec ce foutu GIP qui finance à tort et à travers tout et n’importe quoi, mais sûrement pas ce qui fait le lien entre les citoyens.
Alors, osons, que diable ! ! N’asséchons pas, ne sclérosons pas, ne désespérons pas, sortons des postures convenues, ouvrons les portes, expérimentons, partageons, parlons-nous, essayons, inventons, avançons ! L’avenir est là ! Et notre ruralité vaut mieux que ces visions étriquées d’élus contents d’eux-mêmes, engoncés dans des postures, sûrs de détenir cette vérité d’un autre âge, celle qui coupe, qui hache, qui assèche et qui brise.
Parce qu’une société solidaire, ce n’est pas ainsi qu’on y travaille. Parce qu’une société solidaire, on la construit pas à pas, en prenant des initiatives responsables qui mobilisent tous les citoyens dès le plus jeune âge.
Le collège du XXIème siècle n’est pas celui ou l’on concentre les élèves entre quatre murs, n’est pas celui où de jolies couleurs sont appliquées dans les couloirs, n’est pas celui où du mobilier design occupe l’espace, n’est pas celui où les nouvelles technologies sont reines, le collège du XXIème siècle, c’est celui qui fait la part belle à l’ouverture, aux rapports humains, à la découverte et au partage de compétences et de savoirs avec ses concitoyens, à la solidarité...